Critiquer le plan éolien est mal vu des écolos

Jean-Louis Gaby / Solaire 2000  Mai 2009

Toute vérité franchit trois étapes. D'abord elle est ridiculisée. Ensuite elle subit une forte opposition.
Puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence."

Arthur Schopenhauer


Antinucléaire depuis plus de 30 ans, et bien entendu favorable au développement des énergies renouvelables, j'en arrive actuellement à la conclusion qu'il faut s'opposer au plan éolien décidé par le Grenelle de l'Environnement (voir l'article précédent "Un anti-nucléaire critique le tout éolien").

J'ai appris récemment qu'Hervé Kempf, auteur du livre "Comment les riches détruisent la planète" et journaliste au Monde, qui avait présenté un article défavorable à l'éolien à Sortir du Nucléaire, avait eu tout comme moi des ennuis (voir sur son blog de REPORTERRE l'article "Le Réseau Sortir du Nucléaire censure Hervé Kempf".
  http://www.reporterre.net/spip.php?article291&var_recherche=eolien.

Il y a donc parmi les écolos un noyau de quelques lanceurs d'alerte qui subissent des vexations, car ils sont critiques envers la politique énergétique imposée par le Grenelle.

Le dialogue est impossible avec quelques amis écolos

Dans un premier temps, j'ai fait part de ma réflexion à quelques amis "verts", qui m'ont considéré comme un peu naïf ou récupéré par Giscard et consorts. Dans les associations écolo beaucoup ne comprennent pas ma démarche et me taxent indirectement de pro-nucléaire. Pour moi, c'est une expérience inédite et pénible à constater de la part d'amis écolos de très longue date.

Le plus souvent, il y a refus de dialogue de la part des pro-éoliens, mais lorsqu'un début de discussion s'instaure, il se traduit essentiellement par un dialogue de sourds. Un exemple, lorsque j'avance que le coût excessif de l'éolien va priver de fonds le développement de l'isolation, on me répond que "le danger du nucléaire est sans commune mesure avec les incommensurables dangers de l'éolien, il faut donc s'occuper prioritairement du nucléaire", et puis on se quitte en se sentant tous les deux un peu coupables de ne pas avoir compris l'autre.

Et puis il y a cette réponse d'un élu "vert" : "vous les écolos, vous ne voulez pas de nucléaire, pas d'éolien, pas de barrages, et même plus de photovoltaïque…". J'ai constaté que les personne encartées sont les plus irritables et hostiles à la discussion.

Il est difficile avec les associations

Constatant que la plupart des associations environnementalistes sont favorables au plan éolien, j'en ai contacté par mail quelque-unes pour leur expliquer ma position et ainsi engager le dialogue.

J'ai questionné Greenpeace France, la réponse a été brève, mais leurs priorités sont ailleurs et les énergies renouvelables sont sans danger sur la santé, alors que ce n'est pas le cas pour le nucléaire.

Pour le WWF, la réponse a été plus développée et davantage technique, mais soutenir les énergies renouvelables reste une priorité.

J'ai aussi contacté Sortir du Nucléaire, auquel j'adhère depuis sa création, et qui est farouchement pour le plan éolien. Après l'échange d'une quarantaine de mails durant tout le mois de mars sur la liste de la commission Stratégie de SDN dont je fais partie, il a été décidé la création d'un groupe de travail sur l'éolien, mais hélas pas avant le mois de juin.

C'est dommage de différer cette réflexion qui remettrait en cause la pertinence du programme énergies renouvelables du Grenelle de l'Environnement manipulé par les lobbies.

Des faits nouveaux propres à modifier le jugement

J'étais jusqu'à présent favorable à l'énergie éolienne, car elle présente de très nombreux avantages : énergie renouvelable, non polluante, sans déchets dangereux, sans danger, et par ses avantages elle s'oppose totalement au nucléaire.

Ce qui me dérange c'est le cadre dans lequel se développe actuellement le plan éolien voulu par le Grenelle :

   ·  On constate impuissants à l'augmentation permanente de notre consommation d'électricité.

   ·  Il n'y a pas eu de réflexion sur la sortie du nucléaire.

   ·  On assiste à la relance du programme nucléaire.

   ·  Production de davantage de CO² (à cause du trop fort taux d'éolien dans le mix électrique).

   ·  Les sources d'énergie complémentaires à l'éolien n'ont pas été définies.

   ·  Coût excessif (50 à 75Md€).

   ·  Ces fonds pourraient être utilisés de façon beaucoup plus efficace (dans l'isolation, etc.).

   ·  C'est la privatisation d'une partie d'un service public, en l'occurrence d'EDF.

Ces faits nouveaux m'ont fait changer d'avis parce qu'ils nuisent à l'éolien, et vont retarder de vingt ans la sortie du nucléaire dans notre pays.

Qu'attendent les écolos pour dialoguer sur ces faits, et engager une discussion de fond sur notre politique énergétique sans se laisser hypnotiser par les ors du Grenelle?

Les énergies renouvelables, c'est le bonheur et le progrès

Pour pouvoir conserver notre niveau de vie, c'est certain qu'il est confortable de croire que "le développement harmonieux de toutes les énergies renouvelables" permettra de remplacer nos énergies polluantes et dangereuses.

L'éolien possède une bonne image dans le public, et tendre à rattraper les pays qui ont un fort parc éolien est ressenti comme un progrès.

Les avantages de l'éolien, formatés dans notre inconscient, sont réinitialisées périodiquement par le discours positiviste des associations et des médias influencés par les lobbies. Dans ces conditions, critiquer le plan éolien est très mal perçu.

Pour faire passer le message, un facteur essentiel est oublié dans la communication, car il enlèverait toute crédibilité aux énergies renouvelables, c'est que leur potentiel de production est totalement incapable de couvrir notre boulimie énergétique. Aussi pour sortir du nucléaire, et des autres énergies fossiles, il est incontournable de commencer de toute urgence à réduire drastiquement notre consommation d'énergies.

Les économies d'énergies, ce n'est pas vendeur

Un champ d'éoliennes ou des capteurs solaires sont plus attractifs que des bâtiments isolés par l'extérieur.

L'impact visuel d'une action est primordial pour les particuliers, pour les élus, tout comme pour les associations, et hélas l'isolation n'a rien à montrer.

Plus généralement, en dehors de période de crise énergétique, il faut constater que les économies d'énergie ce n'est pas vendeur, et en plus c'est pénalisant pour le PIB.

Dans notre société ce sont les lobbies qui formatent les opinions, et jusqu'à ce jour les lobbies des économies d'énergie ne font pas le poids face à EDF, AREVA, GDF, Total (tous de très grands pollueurs), soutenus par le pouvoir, qui se sont lancés dans les énergies renouvelables car il y a des profits à réaliser sur le dos des consommateurs à travers leur consommation d'électricité.

L'exemple des biocarburants

Il y a quelques années, les biocarburants étaient considérés comme une énergie renouvelable très intéressante et leur production s'amplifia, alors qu'un simple calcul permettait de conclure qu'ils seraient inefficaces pour combler notre boulimie de carburants, et l'on savait que leur bilan énergétique était globalement mauvais.

Depuis, l'opinion publique a totalement changé d'opinion à la vue de forêts primaires dévastées.

Nous avons donc été manipulés à nos dépends par le lobby agricole. De cette volonté politique passée, il nous reste en France 49 usines en pleine production, dont certaines flambant neuves, l'aide aux agrocarburants a été de l'ordre de 600 millions d'euros en 2008, et ces agrocarburants nous sommes obligés de les consommer car ils sont incorporés dans nos carburants.

Ne nous laissons pas manipuler à nouveau par les lobbies, comme cela a été le cas avec les biocarburants.

Jean-Louis Gaby - Mai 2009